Les Dispositifs Médicaux :Et si au lieu de changer les directives, on commençait tout simplement à les appliquer

A la lumière des récents scandales sanitaires liés aux dispositifs médicaux (PIP, Hanches Méta-Métal, Stérilets…) tout le monde s’accorde à dire qu’un changement de la législation européenne est urgente.

C’est vrai que pointer du doigt la législation arrange tout le monde :

  • Les entreprises pointées du doigt peuvent minorer leur faute en invoquant les (pseudo ?) lacunes de la loi
  • La Justice trouve l’occasion de se défausser en rejetant la patate chaude au législateur sans avoir à se mouiller.
  • Et enfin le législateur de se sentir enfin utile et compatissant à l’égard des victimes en feignant de pouvoir changer les choses en réécrivant les textes.

Sauf qu’à y regarder de plus près dans tous les derniers scandales sanitaires mais aussi les révélations effrayantes de ces derniers jours (par exemple sur la création d’un implant vaginal à base d’un filet d’orange…) l’origine des fraudes ou des défaillances n’étaient pas issues d’une carence des textes, mais au contraire d’une violation voir d’une non application des textes.

Ces scandales proviennent tout simplement d’une fraude, c’est-à-dire d’une volonté manifeste de violer la loi, quel que soit la loi, et quel que soit les modifications qu’on y apportera.

Reprenons un à un les derniers scandales publics

 

L’affaire PIP

L’affaire PIP est simple. Dans son dossier de conception l’entreprise PIP déclarait utiliser du gel NUSIL pour la confection des implants silicones. Il s’est avéré que pour des raisons économiques, elle a utilisé un autre gel, normalement utilisé pour le gainage électrique (pas du tout médical). Evidemment ce gel a occasionné des effets très graves sur la santé des porteuses. Plus de 400 000 femmes sont concernées dans le monde.

Bien évidemment, les dirigeants de l’entreprise sont les premiers responsables. Mais qu’en est-il des sociétés qui étaient justement chargées d’assurer la surveillance de cette entreprise. Les Organismes Notifiés ? Il s’agissait en l’espèce des sociétés TUV RHEINLAND.

Lorsque nous avons mis en cause TUV RHEINLAND pour ses nombreuses négligences, ces derniers nous avaient bien entendu répondu, la larme à l’œil et la main sur le cœur, qu’ils avaient agi conformément à la directive de 1993. Leur complainte avait d’ailleurs ému les juges de la Cour d’Appel D’Aix en Provence qui dans leur arrêt les avaient complètement absous en relayant le message d’une directive trop légère et inadapté pour faire des contrôles efficaces.

Mais voilà, cette fable du texte lacunaire n’a pas tenu devant la cour de cassation qui a rappelé que si TUV RHEINLAND était responsable c’était d’abord et avant tout parce qu’il n’avait pas respecté cette directive :

–       absence d’indépendance, qui est la pierre angulaire de la directive

–       manquement dans les obligations de contrôle des matières premières, contrôle pourtant bien prévu dans la directive.

Mieux lorsque tout le monde répétait en cœur qu’un audit inopiné aurait permis de découvrir la fraude mais que la directive ne leur avait conféré qu’un caractère facultatif, et qu’en conséquence on ne pouvait reprocher à TUV RHEINLAND de ne pas avoir user d’un acte purement facultatif. La commission Européenne s’est penchée sur la question, et quelque part a donné raison à TUV Rheinland sur ce point.

Sauf que là encore, la cour de cassation a dit qu’il n’était pas nécessaire de changer la loi, la directive actuelle était largement suffisante. Et que si les exigences le justifiaient, et de manière très explicites elle estimait que cela se justifiait, en l’espèce TUV RHEINLAND aurait dû faire un audit inopiné. Ne l’ayant pas fait, il était responsable.

Moralité, contrairement à une idée répandu (par les Organismes Notifiés) la loi et la directive ne sont en rien responsable dans le scandale PIP.

 

L’affaire du filet d’orange ou de la certification d’une prothèse de hanche qui n’existe pas

Deux affaires récentes, l’une de 2012 et l’autre de 2014, sont venues jeter un immense discrédit sur la législation en vigueur sur la surveillance des dispositifs médicaux.

Dans la première affaire, un journal médical anglais le BMJ (British Medical journal) était parvenu en 2005 à obtenir un certificat de conformité – et donc le marquage CE – d’une prothèse de hanche qui ……….. N’existait tout simplement pas. Les journalistes avaient fait le tour des Organismes Notifiés, avaient essuyé des refus de certains (ce qui est rassurant) mais avaient fini par en trouver pas du tout regardant et qui leur avait donné le fameux certificat de conformité.

Pour plus d’info voir l’article paru dans Medscape intitulé « Marquage CE : la fausse prothèse de hanche du BMJ révèle un système défaillant » https://francais.medscape.com/voirarticle/3473015#vp_1

Dans la seconde affaire, là aussi peu reluisante pour la réputation des Organismes Notifiés, une équipe de journalistes sont parvenus – en 2014 – à faire passer un filet de mandarine pour … un implant vaginal visant à empêcher les descentes d’organe. Là aussi cette équipe de journalistes est parvenu à obtenir d’un Organisme Notifié le certificat de conformité permettant le droit d’apposer le marquage CE sur le produit.

 

Mais à y regarder de plus près. Ces deux affaires révèlent elles un défaut législatif ou bien un problème lié à la probité de certains Organismes Notifiés ?

Parce qu’en vérité, la directive de 1993 oblige les Organismes Notifiés à faire des visites dans les lieux de fabrication, ne serait-ce pour exécuter leur mission première de certifier le processus de fabrication. Or on se rend compte dans ces deux affaires que les ON complaisant ne s’y sont pas rendu, n’ont pas lu la documentation qui leur était fournie … autrement dit ont agi en dehors du cadre légal de la réglementation et de la directive.

Donc dire que c’est la législation qui pose problème est une illusion.

On aura beau changer les règles, il y aura toujours des Organismes Notifiés « marrons » pour les contourner.

Ce n’est pas la loi qui pose problème ici, c’est la sélection des Organismes Notifiés par les Etats et l’absence de sanction réelle contre ces derniers.

Mais ça c’est du ressort de la Justice. Fait-elle suffisamment son travail. C’est là qu’on peut avoir des raisons d’en douter.

Une tolérance zéro à l’égard des Organismes Notifiés indélicat et des sanctions très lourde en cas de négligences auront beaucoup plus d’effet qu’un changement de législation.

 

Laurent GAUDON