Comprendre le système de surveillance européen des dispositifs médicaux - le marquage CE

Comment s’exerce la surveillance des dispositifs médicaux en Europe, sommes-nous vraiment en sécurité ?

S’agissant des médicaments, c’est très simple,  l’ANSM contrôle et surveille directement les laboratoires pharmaceutiques. L’agence nationale de santé délivre alors ce qu’on appelle « une autorisation de mise sur le marché » (AMM) grâce à laquelle le laboratoire peut vendre ses médicaments en pharmacie (sous certaines conditions d’utilisation prévue dans l’AMM bien entendu).

Pour les Dispositifs médicaux le système est radicalement différent.

En effet il n’existe pas d’autorisation de mise sur le marché, mais un système de surveillance a deux niveaux.

 

Les dispositifs médicaux bénéficient d’une surveillance à double niveau

Pour faire simple (très simple), l’ANSM autorise l’utilisation d’une technologie dans un secteur (par exemple l’utilisation de gel silicone dans les implants mammaires, l’utilisation du chrome cobalt dans la conception des prothèses Metal – Metal …) mais ne contrôle pas les fabricants directement. Ce rôle est dévolue à des sociétés privées, habilité par un pays membre de l’Union européenne, et qu’on appelle Organisme Notifié.

Pour être plus clair prenons l’exemple des prothèses mammaires : Jusqu’en 2000 l’utilisation du silicone était interdit dans les implants mammaires. Cette matière était considérée comme dangereuse (10 ans plus tôt l’affaire Dow Corning avait fait beaucoup de victimes aux Etats Unis). Et puis finalement après avoir réalisée plusieurs études scientifiques, l’ANSM a décidé en 2000 de ré -autoriser l’utilisation du silicone dans les implants. Cependant elle a imposé l’utilisation d’une silicone particulière le gel de marque NUSIL (un gel médical aux propriétés très spécifiques).

En revanche le contrôle des fabricants de prothèses mammaire (il y en a plus d’une 10aines) n’entre pas dans sa mission première. C’est aux organismes notifiés de s’assurer que les fabricants respectent bien les préconisations de l’ANSM, par exemple utilisaient bien du gel NUSIL, mais aussi leur dossier de conception et plus généralement les obligations réglementaire.

Chacun a donc un domaine d’action particulier : l’ANSM surveille la technologie et donne des consignes, les Organismes Notifiés surveillent les entreprises mettant en œuvre ces technologies. Par contre les organismes Notifies ne donnent pas leur avis sur la technologie dès lors qu’elle est autorisée par l’ANSM. Par exemple ce n’est pas à l’Organisme Notifié de remettre en cause l’utilisation de chrome cobalt dans la fabrication des prothèses de hanche Métat-Métal, quand bien même cette technologie est décriée, dès lors que l’ANSM l’autorise toujours.

 

Concrètement qui sont les Organismes Notifiés et quel est leur rôle.

Comment se passe en pratique le contrôle des organismes notifiés. Ce contrôle est prévu par une directive européenne en date du 14 juin 1993.

Le but de cette directive était de faciliter la libre circulation des marchandises au sein de l’Union Européene. Afin qu’aucun pays européen ne puisse refuser un dispositif médical fabriqué dans un autre Etat européen. Il s’agissait d’onc d’imposer des standards de sécurité communs à tous les Etats Membres.

C’est la création de ce qu’on appel de marquage CE, label de qualité européenne.

Il a été décidé que la surveillance des dispositifs médicaux conçus en Europe ne serait pas du fait des agences publiques de santé, mais d’entreprises privées de certifications, indépendante, censément compétentes, et habilités par les Etats membres.

L’objectif premier de ces Organismes Notifiés, est – selon les termes de la directive – de s’assurer que le dispositif médical surveillé ne compromet ni la santé ni la sécurité des utilisateur (ices). C’est dire que dans l’esprit de la directive, ces contrôles doivent être réalisés avec beaucoup de sérieux.

Il faut voir que les Organismes notifiés fonctionnent un peu comme les commissaires au compte d’une entreprise commerciale. Ainsi le commissaire aux comptes est payé par l’entreprise pour vérifier que ses comptes sont sincères. Cela ne doit malgré tout pas l’empêcher d‘être indépendant et n’avoir aucun lien autre que la surveillance des comptes avec l’entreprise. Si lors de son contrôle il s’aperçoit que les comptes ne sont pas sincères (ou qu’il y a des détournements), il dénonce l’entreprise au procureur ou au fisc (je prends exprès des raccourcis pour être clair). Par contre si le commissaire aux comptes ne dénonce pas des faits dont il aurait dû avoir connaissance il encourt des sanctions civiles et pénales très lourde. En général ce contrôle est sérieux car la peur de la sanction fait que le système fonctionne.

Les organismes notifiés c’est un peu pareil. Ils sont payés par l’entreprise pour contrôler le processus de fabrication des dispositifs médicaux :

(- le personnel est-il compétent et à sa place,

– Le fabricant respecte-t-il le dossier de conception,

– le fabricant respecte-t-il les prescriptions de l’ANSM,

– achète-t-il les bonnes matières premières et en quantité suffisante …).

Et si le contrôle revient positif alors l’Organisme-Notifié délivre un certificat de conformité permettant à l’entreprise d’apposer le logo CE et vendre dans toute l’Europe (et une grande partie des marchandises).

Par contre Si le contrôle se passe mal, l’entreprise ne pourra pas commercialiser ses dispositifs et dans certains cas grave l’Organisme Notifie le dénoncera à la justice et à l’ANSM.

En cas de fraude ou de défaillance manifeste (par exemple une materiovigilence inquiétante), l’ANSM peut organiser un contrôle sur site et le cas échéant peut suspendre l’activité de l’entreprise. Attention : Ce n’est pas un pouvoir de contrôle mais un pouvoir de police sanitaire.

 

Ce système est-il satisfaisant ?

Oui et non.

Oui dans le sens où si l’Organisme Notifié respecte scrupuleusement la directive, alors les risques de failles dans la conception des dispositifs médicaux (pas seulement fraudes) sont ultra minimes.

Maintenant s’ils le prennent avec légèreté, et cela arrive malheureusement un peu trop souvent, alors des drames arrivent.

A la vérité dans tous les scandales récents, les défaillances dans le système n’étaient pas du fait d’une faiblesse de la loi ou directive, mais bien parce que les organismes notifiés n’avaient pas respectés cette directive.

Ainsi dans l’affaire PIP, non seulement l’organisme notifié ne remplissait pas les exigences d’indépendance vis à vis de son client, et de plus il avait pris l’habitude au fil des années de ne plus contrôler les matières premières.  Ce n’était donc pas la directive qui était en cause.

Ce système présente quand même un inconvénient : Si un organisme notifié ne veut pas certifier un dispositif médical, alors le fabricant peut s’adresser à un autre. Ainsi de suite jusqu’à ce qu’il en trouve un qui accepte. C’est ainsi qu’en 2005 le journal britannique BMJ a réussi à trouver un Organisme Notifié qui a accepté de certifier une prothèse de hanche qui … n’existait pas.

Les risques de fraude existent donc. Mais comme on va le voir, aucun système ne saurait empêcher les fraudes.

 

Faudrait-il confier cette mission à l’ANSM ou aux agences de santé publiques ?

Pour autant Croire qu’en confiant à l’ANSM le rôle dévolu aux Organismes notifiés renforcera le sérieux des contrôles est une fausse bonne idée. C’est même une erreur.

D’emblée, le fait que l’ANSM contrôle les médicaments n’empêche pas les scandales: le MEDIATOR  en est la parfaite illustration. Certains inspecteurs de l’ANSM sont d’ailleurs été mis en examen pour corruption. C’est dire que croire qu’en l’agence de santé ferait mieux que les entreprises privées de certification est un leurre.

Et puis dans la mesure où il existe plus de 10000 dispositifs médicaux sur le marché, il faudrait former et embaucher plus de 10000 inspecteurs de l’ANSM en plus, sans garantie – comme on vient de le voir –  que le système fonctionne mieux.

 

Alors quelle solution ?

En fait la solution dépend uniquement de la justice. Plus les juges seront sévères avec les organismes notifiés négligents et moins il y aura de fraudes.

Or force est de constater que de ce point de vu il y a beaucoup à dire. Mais cela fera l’objet d’un autre article.

 

Laurent GAUDON